« De tous les « Phénomènes de Corneghem », Walter Katt est sans doute le plus facile à aborder. Toutefois, il reste inclassable et insaisissable... quand on croit bien connaître le gaillard, avec son costume d'homme des bois, ses chansons, ses yeux noirs pétillants et son esprit facétieux, il nous échappe d'une pirouette, filant par la fenêtre restée grande ouverte, suspendu à un rayon de lune. Walter Katt habite une petite maison à l'orée du Bois de la Source. On la découvre par hasard, derrière une haie où se mêlent l'érable champêtre, la charmille et l'épine blanche. C'est une bonne vieille chaumière, aux poutres tordues, dont les murs de torchis défient depuis des siècles le fil à plomb.Les moignons de bois qui dépassent par-dessous le grenier sont enguirlandés de houblon sauvage. Pour se protéger des nuées, chargées de colères jupitériennes, son soit coiffé de seigle est couronné de joubarbe. De la terrasse entièrement pavé de galets ferrugineux, on peut découvrir la plaine immense. C'est là que le poète aime rêver et écrire ses contes. Héritier d'une longue tradition, Walter Katt a longtemps occupé le poste honorifique de « Forestier de Corneghem ». A cette époque, il était déjà un véritable homme des bois, mais pas spécialement de ceux dont on fait des héros... Cependant, une formidable rencontre qu'il fit, par un jour de brouillard, modifia le cours de sa vie et changea pour toujours son regard. Depuis, il a appris quelques secrets de Mère Nature et noué de fidèles amitiés avec ses hôtes. Le long des sentes, au creux des chemins poudrés de sable roux, sur la berge des becques gardées par les vieux saules têtards, il sait se faire discret pour écouter et voir ! Aujourd'hui, en prenant son air de barde malicieux, il peut conter ce que le vent du Nord lui a soufflé. Accroché sur le mur de torchis de sa chaumière, une simple et belle planche gravée annonce son état :
Conteur Spécialisé
Gardien de la Forêt
Gardien de la Forêt
MICHEL Patrice, Les Phénomènes de Corneghem, Tome 1 – L'Esprit de la forêt, éditions Atria, pp 10-11