« Celui qui nie l'existence de l'inconscient suppose en fait que nous connaissons aujourd'hui totalement la psyché. Et cette supposition est d'une fausseté aussi évidente que la supposition que nous connaissons tout ce qu'il y a à connaître de l'univers physique. Notre psyché fait partie de la nature et son énigme est aussi dépourvue de limite. Il en résulte que nous ne pouvons définir ni la psyché, ni la nature. Nous pouvons seulement affirmer la conviction que nous avons de leur existence, et décrire, de notre mieux, leur fonctionnement. Tout à fait en dehors, donc, des observations accumulées au cours de recherches médicales, des arguments logiques de poids nous incitent à rejeter des affirmations telles que : « l'inconscient n'existe pas ». De telles affirmations ne font qu'exprimer un très ancien misonéisme, c'est à dire la peur de ce qui est nouveau et inconnu.
Il y a des raisons historiques à cette résistance que l'on oppose à l'idée d'une partie inconnue de la psyché. La conscience est une acquisition très récente de la nature, et elle en est encore au stade « expérimental ». Elle est fragile, menacée par des dangers spécifiques, et aisément blessée. Comme l'ont remarqué les anthropologues, un des troubles mentaux les plus fréquents chez les primitifs est la « perte d'une âme », c'est à dire une scission, ou plutôt une dissociation de la conscience.
Chez les peuples dont la conscience n'a pas encore atteint le degré de développement de la nôtre « l'âme » (ou psyché) n'est pas sentie comme unité. Beaucoup de primitifs croient que l'homme, en plus de son âme propre, possède une « bush soul » ou âme de la brousse, et que cette âme de la brousse s'incarne dans un animal sauvage ou dans un arbre, qui ont alors avec l'individu humain une sorte d'identité psychique. C'est ce que l'éminent ethnologue français Levy-Bruhl appelait une participation mystique. (…)
Cette identité peut prendre les formes les plus diverses chez les primitifs. Si « l'âme de la brousse » est celle d'un animal, l'animal est considéré comme une sorte de frère de l'homme. Par exemple, un homme qui aurait pour frère le crocodile peut, en toute sécurité, nager, dans une rivière infestée de ces animaux. Si l'âme de la brousse est un arbre, on suppose l'existence d'une sorte de lien filial, tout mal fait à l'âme de la brousse atteint également l'homme.»
Carl Jung, L'homme et ses symboles, partie 1 : essai d'exploration de l'inconscient, chapitre L'importance des rêves, éditions Robert Laffont, pp23-24
Il y a des raisons historiques à cette résistance que l'on oppose à l'idée d'une partie inconnue de la psyché. La conscience est une acquisition très récente de la nature, et elle en est encore au stade « expérimental ». Elle est fragile, menacée par des dangers spécifiques, et aisément blessée. Comme l'ont remarqué les anthropologues, un des troubles mentaux les plus fréquents chez les primitifs est la « perte d'une âme », c'est à dire une scission, ou plutôt une dissociation de la conscience.
Chez les peuples dont la conscience n'a pas encore atteint le degré de développement de la nôtre « l'âme » (ou psyché) n'est pas sentie comme unité. Beaucoup de primitifs croient que l'homme, en plus de son âme propre, possède une « bush soul » ou âme de la brousse, et que cette âme de la brousse s'incarne dans un animal sauvage ou dans un arbre, qui ont alors avec l'individu humain une sorte d'identité psychique. C'est ce que l'éminent ethnologue français Levy-Bruhl appelait une participation mystique. (…)
Cette identité peut prendre les formes les plus diverses chez les primitifs. Si « l'âme de la brousse » est celle d'un animal, l'animal est considéré comme une sorte de frère de l'homme. Par exemple, un homme qui aurait pour frère le crocodile peut, en toute sécurité, nager, dans une rivière infestée de ces animaux. Si l'âme de la brousse est un arbre, on suppose l'existence d'une sorte de lien filial, tout mal fait à l'âme de la brousse atteint également l'homme.»
Carl Jung, L'homme et ses symboles, partie 1 : essai d'exploration de l'inconscient, chapitre L'importance des rêves, éditions Robert Laffont, pp23-24